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Gaming, Sociologie du jeu vidéo
EAN13
9782815959599
Éditeur
Editions de l'Aube
Date de publication
Collection
Monde en cours - Essais
Langue
français
Fiches UNIMARC
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Gaming

Sociologie du jeu vidéo

Editions de l'Aube

Monde en cours - Essais

Livre numérique

  • Aide EAN13 : 9782815959599
    • Fichier EPUB, avec Marquage en filigrane
    12.99

  • Aide EAN13 : 9782815959605
    • Fichier PDF, avec Marquage en filigrane
    12.99

Autre version disponible

Le jeu vidéo apparaît aujourd’hui installé dans le répertoire de loisirs des
Français, et ses manifestations, incontournables : de la publicité à la
télévision et en ligne jusqu’aux grands-messes de l’e-sport, en passant par
les encarts en bord de terrain de football – sans même compter des personnages
emblématiques plus connus à travers le monde que certains prophètes –, il est
désormais impossible d’échapper aux multiples avatars du gaming. Toutefois,
malgré l’omniprésence de ce secteur industriel dans nos vies – dont le chiffre
d’affaires dépasse ceux du cinéma et de la musique cumulés, ainsi que
s’évertuent à le matraquer les professionnels du secteur –, force est de
constater qu’il suscite encore une certaine forme de méconnaissance voire de
diabolisation au sein des strates les plus établies de la population,
c’est-à-dire les plus âgés… mais aussi les élites. C’est le cas
lorsqu’Emmanuel Macron, en dépit d’une récupération opportune du streamer
Zerator juste avant les élections législatives de 2022, déclare en réaction
aux émeutes ayant enflammé la France après la mort du jeune Nahel lors d’une
intervention policière que les émeutiers « vivent dans la rue les jeux vidéo
qui les ont intoxiqués » – le champ lexical n’est pas neutre. C’est aussi le
cas lorsque la pratique du jeu vidéo est soulevée à l’occasion de faits divers
comme une circonstance pouvant expliquer le passage à l’acte violent par
l’isolement, l’abrutissement ou les biais sexistes prétendument induits par ce
loisir. Le jeu vidéo, si visible et pourtant si brocardé, serait-il donc un
comportement marginal, sinon déviant, dont il devrait son exposition
hypertrophiée aux intérêts financiers colossaux des mastodontes du secteur ? À
cette question inutilement compliquée, une réponse simple : les Français
jouent. Plus des trois quarts – sans même compter les moins de quinze ans ! –
ont déjà joué à des jeux vidéo au cours de leur vie, deux tiers l’ont fait au
cours des trois derniers mois et un tiers au cours de la dernière semaine. Le
jeu vidéo est partout, il est même déjà dans nos poches ! Partout car il
suffit de s’adonner aux jeux de casse-tête pour faire partie des pratiquants.
Partout car, jusqu’à cinquante ans, à peu près toutes les strates d’âge jouent
à une énorme majorité. Partout, enfin, car il n’y a pas de différence
significative entre le taux de joueurs chez les hommes… et chez les femmes.
Mais alors, dans une société où le gaming a incontestablement pénétré toutes
les strates de la population, à tel point qu’il ne peut plus être opérant
comme facteur discriminant dans l’analyse des comportements sociaux, comment
expliquer le décalage et la défiance persistants d’une partie de la population
à l’égard de ce loisir ? Le mal vient-il des jeux vidéo ou bien des écrans –
avec les changements majeurs qu’ils ont amené dans la société de loisirs ? Ou
ne viendrait-il pas plutôt… de la société dans son ensemble ? Sur la base des
études menées par les auteurs du livre, ainsi que d’un corpus foisonnant de
travaux de recherche, difficile d’établir que le jeu vidéo isole, rend violent
ou incel – involuntary celibate, c’est-à-dire célibataire involontaire, une
communauté en ligne masculine qui s’illustre par sa misogynie. Dans la
première hypothèse, c’est même tout le contraire puisque les données
recueillies montrent que le gaming constitue un espace de socialisation à part
entière, fut-il dématérialisé. En revanche, il est aussi vrai que dans
certaines chapelles liées à tel ou tel genre de jeu, à une pratique intensive
et certains déterminants sociopolitiques donnés, il existe dans l’univers du
gaming une culture attestée de l’invective, qui pèse notamment… sur les
femmes. Taux de victimation, stratégies d’évitement : les expériences des
femmes joueuses ayant eu des interactions avec d’autres joueurs sont
édifiantes, avec pour conséquence le retrait et l’invisibilisation. C’est
cette dernière qui fait encore passer aux yeux de certains le jeu vidéo comme
une pratique d’adolescent – au masculin – et qui entretient certains joueurs
hommes dans la vision fantasmée de leur appartenance à une communauté homogène
et surtout non mixte. Le jeu vidéo apparaît ainsi pris dans un cercle vicieux
où, bien qu’il y ait autant de joueurs que de joueuses, ces dernières soient
contraintes de s’effacer et moins s’identifier dans ce loisir. Un rejet qui
s’explique par de nombreux facteurs : un loisir historiquement pensé par des
hommes pour des hommes, des mécaniques de jeu souvent pensées dans le
prolongement de divertissements dits « masculins » et portées sur la
compétition et le combat, des héros et héroïnes fortement marqués par les
stéréotypes de genre, un cadre de travail toxique maintes fois dénoncé par les
conceptrices, etc. Or, les études menées par les auteurs montrent que, sauf
exception, le gamer moyen n’est pas plus sexiste que le Français moyen. Il
apparaît même légèrement plus ouvert dans certains domaines ! Comme si, en
définitive, les effets d’entraînement et les bulles de toxicité qui
défrayaient la chronique dans le milieu du gaming n’étaient qu’un miroir
grossissant des travers qui parcourent l’ensemble de notre société...
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