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    11 mai 2010

    Ainsi va le monde......

    Second recueil de nouvelles d'Hervé Jaouen après « Merci de fermer la porte ». Qui dans sa vie n'a pas ressenti un sentiment de trahison, que l'on pense volontaire ou pas? Ou alors quand un malentendu s'installe, ne pas savoir pour qui et pourquoi ce malaise, qui ne se dissipe pas, donne un sentiment de frustration.
    « Des yeux de poissons morts ». Michael suit le cercueil de Liam. Comment et pourquoi en sont-ils arrivés à se fâcher, à oublier une amitié de plus de vingt ans, renier leurs parties de pêches, les pintes de Guinness? Michael se remémore leur arrivée à Galway, eux, de purs dublinois, la découverte de leur amour commun de la pêche, et vivre dans cet endroit béni par le dieu des pêcheurs! Mais des dissensions apparaissent et ils se brouillent. Après l'enterrement, un jeune homme se présente à Michael, c'est Ronan, le fils de Liam qui lui explique la vie de ce dernier. Les regrets sont éternels, mais tardifs.


    « Le faux pardon ». Un écrivain et son ancien professeur, sorte de jeu du chat et de la souris, pendant une séance de dédicace, dans la ville natale de l'auteur! Pardonner, mais quoi? Pour l'auteur d'avoir réussi? Un mot, un seul, réveille ses souvenirs. Lui et les fils des campagnes, dans cet établissement scolaire où ils n'étaient pas les bienvenus!
    « Les animaux de Pierrot ». Il est fils unique, Pierrot, alors on lui pardonne bien des choses, il a même droit à des animaux, un oiseau et un chien. Dire que l'oiseau et le chien soient heureux, c'est beaucoup dire, malgré qu'il s'en occupe, Pierrot. Mais l'hiver pour lui est triste et long. Les parents qui invitent les voisins pour une belote, et Marie-Claude malade qui ne peut venir. Pierrot, par un triste dimanche, regrette la leçon de choses que lui donne Marie-Claude quand ils sont seuls. Le fait qu'il s'ennuie aura des conséquences catastrophiques !
    « Ne dîne pas en ville ». J'ai beaucoup aimé cette nouvelle. Paul, écrivain à succès, se retire à la campagne ; chasseur, il se donne un quota de gibier abattu, homme simple, il boit un verre dans un bistrot de campagne. Il rencontre alors le plus gros assureur de la région qui veut lui faire connaître les notables, il l'invite à manger un samedi soir, refus poli de Paul. Il dit à son épouse : « nous irons à la vingtième invitation »! Et la vingtième invitation arrive, l'invité donne ses conditions qui sont acceptées! A quoi bon perdre son temps, avec des gens qui ne voient que snobisme à vous inviter! Une histoire réjouissante, mais malgré tout dérangeante, pourquoi insister à ce point pour avoir à sa table un couple qui ne veut pas venir! Le mépris est la seule réponse!
    « Un saint homme ». Un ancien préfet, client 5 étoiles d'une banque, grâce à un compte à 6 chiffres se lie d'amitié avec le nouveau directeur de sa succursale. Amitié étrange, qui se révèle vite envahissante, le jeu d'échec se joue sur l'échiquier et dans la vie. Plusieurs années plus tard, la réalité sera toute autre, le vernis craquera........
    « Les derniers sacrements » est une nouvelle magnifique, à mon goût la plus belle écrite par Hervé Jaouen avec « La prairie » qui figure dans le recueil « Merci de fermer la porte ». Soeur supérieure et soeur inférieure, soeurs dans la vie et dans la religion. L'une est dans son élément, l'autre regrette de n'avoir pas pu faire autrement. Xavière-Marie va mourir, soeur supérieure Anne-Thérèse la veille. La mourante se souvient, le départ de Bretagne à 8 ans, le dépaysement, ses difficultés d'adaptation, puis son refus d'entrer dans les ordres. La vaine révolte, la lâcheté d'un de ses frères qui refuse de l'écouter et de l'aider? Sa non-vie au service d'une cause qui n'est pas la sienne, et sa dernière révolte, ses mots bretons qui fusent de sa bouche pour sa soeur qui est la seule à comprendre. Une très triste histoire, en ces temps où dans les fermes on gardait les garçons, car il y avait besoin de bras, pour les filles le couvent leur tendait les bras! Ou alors d'autres carrières moins glorieuses, car très souvent la seule possibilité était l'exil!
    Mon personnage favori de ce recueil est sans conteste soeur Xavière-Marie, femme à qui ses parents et sa soeur et sa famille ont ôté tout espoir de vie, enfin d'une vie qu'elle aurait aimé. Elle ne demandait pourtant pas grand chose, un mari, des enfants, les bords de l'Odet, bref, la vie.
    J'apprécie également le couple formé par Paul et Camille. Ils n'aiment pas trop la compagnie de certaines personnes, en général notables ou gens aisés, alors quand ils ont l'occasion de les ridiculiser, ils ne s'en privent pas.
    Toujours une belle écriture, le côté machiavélique de certains personnages est suggéré, Loïc Korfa, par exemple. Ou alors soeur Anne-Thérèse, qui vis à vis de sa propre soeur oublie tous ses principes de bonté et de pardon. On ne fait malheureusement pas d'histoires qu'avec des braves gens.