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    22 mars 2013

    Ça commence comme ça, si après cet extrait, vous n'avez pas envie de poursuivre, je ne comprends pas :
    "Comme j'avais faim, j'avais décidé de me faire un sandwich ou de manger des Tucs, ces biscuits salés et plats comme des crackers. Dans un sens, le sandwich ça cale et, si on met des bons trucs entre des tranches de bons pain, c'est bon. Les Tucs, par contre, c'est pas très bon et je ne sais pas trop pourquoi j'en ai toujours. C'est bourratif. [...] Finalement j'ai coupé la tranche de pain en deux et j'ai mis un Tuc entre les deux demi-tranches. Ça a fait un sandwich au Tuc. Franchement je ne compte pas déposer le brevet pour la recette. Il m'a fallu toute une canette de Coca pour faire descendre mon goûter." (p.5/6)
    Je ne peux pas en citer plus, parce que c'est un peu long, mais le premier chapitre est excellent et met dans le bain tout de suite. Le roman est un road movie dans lequel le narrateur, Pierre, n'est pas le personnage principal. C'est Sahaa qui mène la danse. D'ailleurs, Pierre n'est que sa "dame de compagnie". Il est influençable, tombe amoureux au premier regard. Sahaa est plus organisée, moins sentimentale. Elle baise utile. Leur périple les emmènera chez des rockers français en pays flamand, les fera croiser une call-girl diplômée en astro-physique, des skinheads suisses doux, des tueurs, des fêlés, ... Une galerie haute en couleurs pourrait-on dire en usant d'une expression toute faite. Pour être complet, je ne peux pas passer outre quelques longueurs dans le mitan du bouquin, rien d'insurmontable cependant, juste des pages moins marquantes, un peu plus mornes, comme la vie à Zurich qu'elles décrivent. L'action repart très vite jusqu'à la fin.
    C'est un roman dans lequel les femmes décident, jouent avec les mecs, ce n'est pas très courant. En plus, écrit par un homme.
    "Finalement, c'est Sahaa qui a parlé en premier. A Béate.
    - Bon, je te le prête. Tu connais un bon hôtel par ici ?
    - Qu'est-ce que tu racontes ? Tu me le prêtes ? C'est ton chien ou quoi ? Et qu'est-ce qui te fait croire que j'en ai envie ?
    - Non, ce n'est pas mon chien. Si c'était mon chien je te le prêterais pas. T'as pas une tête à aimer les chiens. Mais pour ton envie, t'as raison, j'en sais rien, mais Pierre, lui, il est comme malade de te vouloir. Ça je le sais. Alors disons que c'est professionnel : tu me diras demain combien tu prends pour la nuit. Tu verras, il est pas fatigant, c'est un sentimental." (p.151/152)
    Et vachement bien écrit. Un style rapide, très oral, qui rappelle les polars ou romans noirs états-uniens des années 50. Je dis, ça, mais en fait, je n'ai pas beaucoup de références en la matière, juste quelques lectures à droite et à gauche ; ça m'a surtout rappelé les romans noirs de Vernon Sullivan dans l'ambiance créée et dans le style, parce que le contexte est actuel, moderne ; la technologie sans être étouffante est très présente. Et Pascal Thiriet fait preuve de beaucoup d'humour, écrit pas mal d'aphorismes, des réflexions très drôles, frappées au coin du bon sens, très imagées :
    "Léo, je ne sais pas si c'est du lard ou du lard. C'est le genre homo croyant mais pas pratiquant. Il est tout en gêne et en désir, comme un bedeau. Bref, il a un truc à me dire et il va te le dire et si tout va bien, je vous rejoindrai. S'il y a un problème tu ne me verras pas et on se retrouve à l'hôtel. Tu prends ton pistolet à bouchon, les bedeaux, parfois, c'est pas clair." (p.105)
    Un premier roman déjanté qu'on ne lit pas trop vite pour garder le plaisir plus longtemps.