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L'amour aussi s'arme d'acier

Claire Fourier

Éditions Dialogues

  • Conseillé par
    22 novembre 2013

    En chemin entre l'enfer et le paradis.

    Ce livre de Claire Fourier nous transporte sur cette route, sorte de frontière entre la Chine et l'Indochine, lieu de toutes les convoitises des différents protagonistes de cette "Sale guerre", qui semble avoir atteint des sommets de cruauté, enfin une sale guerre de plus ! La somme de recherches pour écrire ce livre a été, je pense, énorme. Et cela m'a été confirmé par Claire Fourier elle-même.
    Un peu de géopolitique nous permet d'aborder ce récit authentique avec quelques notions de base indispensables, car pour moi personnellement, les connaissances de cette période de l'histoire se résument à quelques souvenirs racontés par des membres de ma famille ayant servi dans la marine, mais loin des combats.

    Comme beaucoup de gens de ma génération, la guerre du Vietnam est celle des américains, à part Dien Bien Phu, je n'en ai aucune notion.
    Une histoire d'amour est-elle plus forte dans un environnement plus que contraire ?
    Nous sommes donc en 1948, la Route Coloniale 4 (RC 4) qui longe la frontière chinoise est vitale pour les deux camps, pour les français, barrer l'approvisionnement du Vietcong venant de Chine et pour ceux-ci bien évidement l'inverse. Cette route est surnommée "La Route du Sang" et elle porte hélas bien son nom. Les combats font rage, les morts et les blessés très nombreux des deux côtés. Le Génie militaire a un rôle primordial pour l'entretien de cette voie d'acheminement du matériel français. Le rôle des infirmières est aussi de première nécessité. Francis fait partie du Génie, Lily est infirmière, l'un répare les routes, l'autre les corps... Ils sont jeunes tous les deux...la vie...l'amour...mais la guerre en a décidé autrement. Pour le corps expéditionnaire français, les dés sont malheureusement truqués.
    Tout au long de l'Histoire, ce ne sont ni les rois, ni les hommes politiques et surtout pas les généraux qui ont combattu, mais des gens ordinaires, ceux dont on ne parle pas, les sans-grades, ceux qui n'avaient rien à gagner, seulement à perdre leur seule richesse, la vie. Francis, Lily et des centaines de milliers d'autres furent de ceux-là! En un sens ce livre leur rend un modeste, mais on ne peut plus mérité, hommage. Pour les plus malchanceux, un nom sur le monuments aux morts sera la seule reconnaissance de la patrie.
    La métropole a d'autres problèmes, les restrictions, la guerre froide, et là-bas ceux-ci sont uniquement des engagés qui combattent....et pour qui ou quoi ?
    Un récit en trois chapitres, " Une route hallucinante dans la guerre", sorte de présentation du récit lui-même, "Sur La route du sang" avec l'entrée dans l'histoire des principaux personnages, et "Après la route" car toute histoire a un après. Deux cartes dont une de cette fameuse route nous permettent de mieux situer la difficulté de défendre cette voie d'accès.
    L'enfer vert, ce sont ces fosses plantées de bambous acérés, ces sphères de glaises hérissées de piques tombant du ciel et en un lent balancier transperçant les corps.C'est aussi se donner la mort pour ne pas tomber vivant entre les mains de l’ennemi, se poignarder dans une sorte de Hara-kiri, se coucher sur une grenade dégoupillée ou se tirer une balle dans la tête! Tous les coups sont permis et il semble que comme dans toutes les luttes coloniales, les lois de la guerre sont des mots qui ici ne servent à rien ! Le paradis est plus rare, cette histoire d'amitié improbable, mais qui, malgré l'environnement hostile, tentera de s'épanouir!
    Un livre fort dont on ne sort pas indemne. Mais qui m'a incité à faire des recherches sur cette période tragique de l'histoire de France.
    Extraits :
    - La tête aussi devient champ de bataille. Qu'est-ce qu'on fait là ? On se dit. Qu'est-ce qu'on fait là ? On se répète. Comme si on était pas mieux à la maison ! On est bien qu'à la maison ! Alors on rêve.
    - Nul ne sait comment rester en Indochine, mais tout le monde est d'accord sur un point : il faut rester pour ne pas laisser la place aux autres.
    - Jacques Duclos remâche " Il faut contribuer à la défaite de l'armée française ou qu'elle combatte". »
    - C'est sur la RC4 que la France a perdu la guerre d'Indochine. Celle-ci s'est jouée sur un tronçon de route longue de la distance entre Paris et Orléans.
    - La portion de RC4 entre Dinh Lap et Lang Son, c'est son jardin d'épouvante mais c'est sa chose. Elle épuise, elle exalte. C'est là qu'il tremble, c'est là qu'il est chez lui.
    - La nuit, notre homme a dormi comme un plomb. Il laisse à Paris le soin de décréter ce qui est ou non le sommeil du juste.
    - Et parce qu'à Paris on se réclame d'une morale, ici on est bien en deçà du bien et du mal.
    - Mémorable fraction de la Route baptisée Boulevard de la Mort.
    - Qu'il soit bien dit que les opérations militaires relèvent du maintien de l'ordre !
    - Il croise les paras qui arrivent de Bretagne, recrutés et formés par Massu.
    - On croit lutter pour la paix, et on se bat pour les planteurs de caoutchouc.
    Pour la maffia boursière.
    - On est tous de la "chair à pacification".....
    - Giap a pu conclure : "l'erreur fondamentale des Français a été de voir les choses dans l'optique de stratégie bourgeoise."
    * Route coloniale 4 en Indochine. (Récit)