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Mirontaine sta leggendo

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Professeure des écoles par correspondance et lectrice passionnée autant en littérature de jeunesse qu’en littérature générale.

Gallimard Jeunesse

21 avril 2012

Mina est une petite fille d'une dizaine d'années qui aime jouer avec les mots. « Les mots devraient flâner et vagabonder. Ils devraient voler comme les chouettes, voleter comme les chauves-souris, et se faufiler comme les chats. Ils devraient murmurer, crier, danser et chanter. »

Elle adore la nuit et la liberté. Elle écrit son journal intime avec beaucoup de fantaisie. Elle nous raconte ses réflexions et ses désirs. A l'origine de ce journal, vient un événement qui a bouleversé la vie de Mina. Elle a été retirée de l'école à cause de son comportement trop bizarre, dixit la maîtresse. Depuis lors, Mina fait l'école en pyjama à la maison, avec l'aide de sa maman.

Elle évoque l'ombre de son père disparu. Avec une imagination débordante, perchée en haut de son arbre elle scrute la vie des voisins. C'est avec une grande liberté qu'elle noicit les pages de son journal où s'enchaînent poésies, réflexions, jeux de mots, activités hors pistes.

J'ai beaucoup aimé ce roman jeunesse très poétique de cette petite fille sensible qui se pose énormément de questions sur la vie, la mort, l'école et le pouvoir des mots.

Comme j'accompagne quelques enfants en homeschooling, j'étais curieuse de voir comment David Almond allait décrire le quotidien d'une enfant déscolarisée et à l'écart des autres. Certes, Mina raille les turpitudes d'esprit de sa maîtresse (le passage sur l'inspection obligatoire des enfants déscolarisés est très amusant!)et ne veut pas être un mouton de Panurge. Néanmoins, j'ai beaucoup apprécié la nuance des propos dans le passage sur l'établissement spécialisé. Un visage plus humain est accordé à l'institution éducative et on comprend bien que Mina est un personnage inadapté à l'univers uniforme des écoles.

Voici un livre original par sa forme: alternance de pages blanches, pages noires, pages vides, de listes...L'inventivité verbale est omniprésente et la traduction rend toute la vivacité des propos de Mina.

Un très beau voyage à travers l'enfance qui me donne l'envie de découvrir Skellig, autre roman de David Almond dont Mina se fait l'écho. Mina est un personnage à mi-chemin entre la Ninon de Maud Lethiellieux dans Dis oui Ninon et Toto Chan la petite fille à la fenêtre de Tetsuko Kuroyanagi. Une petite fille pétillante et qui se montre enthousiaste sur les questions de la vie qu'elle aborde avec beaucoup de philosophie.

Traduit (anglais) par Diane Ménard, Gallimard Jeunesse, 2012.

18 avril 2012

Suite à une rencontre avec Martin Page et Jakuta Alikavazovic organisée par Escales des lettres, j'ai eu très envie de poursuivre ma lecture des oeuvres de Martin Page. Entré d'une manière fracassante en littérature avec Comment je suis devenu stupide, un très bon roman poétique et fantaisiste, j'ai choisi cette fois On s'habitue aux fins du monde .

Elias Carnel reçoit un prix pour l'ensemble de ses financements cinématographiques, à l'âge de vingt-huit ans. Il va pourtant jeter son prestigieux trophée à la Seine et s'ouvrir aux aventures les plus inattendues. Il jette sa vie en somme.Il a d'ailleurs passé plus de temps à s'occuper de la vie des autres que de chercher à remplir sa propre vie.C'est une manière pour lui de se protéger. Son petit monde va peu à peu s'écrouler: sa compagne alcoolique Clarisse le quitte, Arden Gaste son supérieur le malmène, Martial Caldeira l'ami-gourou du cinéma l'écrase... Les personnages ubuesques remplissent sa vie hantée de vides. Meurtri, Elias s'entoure d'un petit monde désenchanté tels Margot, Darius, Marie la secrétaire, Victor et ce détective qu’il paye pour enquêter sur lui-même. Toute sa vie se délite dans les impasses et les désillusions.

Tel Buster Keaton, Martin Page brosse des portraits inconvenants dans un registre burlesque mélancolique*. Les situations surréalistes se multiplient.J'aime beaucoup ce style drôle et piquant des tous ces personnages en dérive. Au delà du cynisme, les anti-héros de Martin Page nous semblent très proches. La déjantée Zoé (amoureuse des bibliothèques et des cimetières) illumine cette toile romanesque utopiste. L'écriture dénonce la société arriviste et met en garde sur les éventuels dangers sous-jacents dans le monde du cinéma (métaphore vivante du faux-semblant) mais pas seulement.Le monde du cinéma semble être le microcosme idéal pour cette mise en abyme de la superficialité sociale.

Un grand coup de coeur pour ce roman publié aux éditions Le Dilettante et paru en poche.

18 avril 2012

Suite à une rencontre avec Martin Page et Jakuta Alikavazovic organisée par Escales des lettres, j'ai eu très envie de poursuivre ma lecture des oeuvres de Martin Page. Entré d'une manière fracassante en littérature avec Comment je suis devenu stupide, un très bon roman poétique et fantaisiste, j'ai choisi cette fois On s'habitue aux fins du monde .

Elias Carnel reçoit un prix pour l'ensemble de ses financements cinématographiques, à l'âge de vingt-huit ans. Il va pourtant jeter son prestigieux trophée à la Seine et s'ouvrir aux aventures les plus inattendues. Il jette sa vie en somme.Il a d'ailleurs passé plus de temps à s'occuper de la vie des autres que de chercher à remplir sa propre vie.C'est une manière pour lui de se protéger. Son petit monde va peu à peu s'écrouler: sa compagne alcoolique Clarisse le quitte, Arden Gaste son supérieur le malmène, Martial Caldeira l'ami-gourou du cinéma l'écrase... Les personnages ubuesques remplissent sa vie hantée de vides. Meurtri, Elias s'entoure d'un petit monde désenchanté tels Margot, Darius, Marie la secrétaire, Victor et ce détective qu’il paye pour enquêter sur lui-même. Toute sa vie se délite dans les impasses et les désillusions.

Tel Buster Keaton, Martin Page brosse des portraits inconvenants dans un registre burlesque mélancolique*. Les situations surréalistes se multiplient.J'aime beaucoup ce style drôle et piquant des tous ces personnages en dérive. Au delà du cynisme, les anti-héros de Martin Page nous semblent très proches. La déjantée Zoé (amoureuse des bibliothèques et des cimetières) illumine cette toile romanesque utopiste. L'écriture dénonce la société arriviste et met en garde sur les éventuels dangers sous-jacents dans le monde du cinéma (métaphore vivante du faux-semblant) mais pas seulement.Le monde du cinéma semble être le microcosme idéal pour cette mise en abyme de la superficialité sociale.

Un grand coup de coeur pour ce roman publié aux éditions Le Dilettante et paru en poche.

18,30
17 avril 2012

Norma-Jean, quinquagénaire, se rend chaque Jeudi à la prison de Sollicciano en Toscane. Elle rend visite à son ancien élève Marco. Cette femme reste un mystère pour son entourage. Cette femme a fui son refuge confortable à Paris pour un modeste appartement près de Florence.


Ce roman renferme de multiples récits croisés, quelques bribes de vies décousues. Le personnage de Norma-Jean est fascinant. Elle est professeur de philosophie à Paris et épouse de Jean, son psychanalyste. L'auteure offre un portrait cinématographique à la Hitchcock, avec une ampleur psychologique angoissante.

La progression dramatique est constante, Ingrid Thobois emprunte la voix de chacun de ses personnages, tour à tour. Elle délivre les secrets pas à pas de ce triangle amoureux.C'est un très bon roman sur l'enfermenent, celui de derrière les barreaux mais également l'enfermement en soi.L'intrigue oscille entre passé et présent et donne plus d'intensité encore à ce drame psychologique.

« Je partageais avec Norma-Jean un immense besoin d’autonomie et de solitude, aussi avions nous choisi un appartement où deux couples auraient presque pu vivre sans se croiser.
Au bord du sommeil ma respiration était forte, celle de Norma-Jean irrégulière ; il me fallait changer vingt fois de position tandis que son cuir chevelu la démangeait ; je rejetais la couette – j’avais chaud -, et elle la ramenait – elle avait froid. Épuisés, nous finissions par allumer nos lampes de chevet. Assis contre la tête du lit, pantins bordés, les mains de part et d’autre des sarcophages formés par nos jambes, nous évitions de nous regarder. Les paupières gonflées, nous fixions sur le mur d’en face la sérigraphie de Marilyn par Andy Warhol, cherchant la clef de notre repos dans cette figure bleue, son teint et sa chevelure de noyée.
Nous avions beau nous respecter, nous aimer peut-être – si seulement les années n’écornaient pas ce mot – nous nous encombrions. A vingt ans, nous nous serions séparés pour cette unique raison. A près de cinquante ans, nous avions trouvé la solution : investir dans la literie en quantité et qualité. Nous installâmes des lits un peu partout dans l’appartement, qui nous garantissaient de pouvoir nous endormir seuls, et surtout de nous réveiller seuls – le poids du monde se rappelle si vite à nous le matin ».

J'ai bien aimé l'ellipse autour de ce mystérieux secret même si parfois je me suis perdue au fil des pages dans les flashbacks.

Éditions de L'Olivier

17,00
16 avril 2012

Ce roman a des accents baudelairiens. Son titre est emprunté aux Petits poèmes en prose, où Baudelaire avait imaginé qu’il donnait une correction à un vieux mendiant faisant l’aumône afin de s’assurer de la capacité de réaction de celui-ci.

Etrangère en France, le personnage principal de Sinha assomme un immigré un peu trop entreprenant avec une bouteille de vin. Elle est interprète auprès de demandeurs d'asile :" Mon devoir se limite à traduire les propos des uns et des autres, ni plus ni moins".

Conduite au commissariat où elle est interrogée par un policier répondant au nom kafkaïen de Monsieur K., celle-ci raconte sur près de 150 pages comment elle en est arrivée là.

Son récit est composé de retours récurrents entre hier et aujourd'hui, entre l’intime et le public avec une succession de portraits.

Interprète depuis plusieurs années à la division Asie de l’Ofpra, Shumona Sinha expose le malheur des demandeurs d'asile venus du Sud comme une allégorie de la condition humaine: le droit à la liberté, la misère intellectuelle et spirituelle, les mensonges de ses compatriotes bengalis prêts à tout pour rester en France, leurs "rêves tristes comme des chiffons" .

Chaque matin, en arrivant à son travail, elle retrouve cette misère du monde. Comment subir cette violence sans tomber dans l'écueil de la rudesse d'un exil? L'errance des demandeurs d'asile est réduite aux formulaires administratifs."Je sais combien le sentiment de lassitude, d'inutilité nous accablait ces jours-là. Toujours le même jeu qui recommençait. Les requérants, les officiers et moi, nous étions tous assommés, cerveau engourdi et bouche fade. Je me vois lever mes yeux rouges au-dessus des papiers miteux qui seront grignotés par les rats, couverts de larves, engloutis par la terre et la boue."

Au fil des pages, l'atmosphère devient de plus en plus étouffante comme pour mimer la douleur de l'errance. L'auteur analyse un milieu entier, la machine des demandes d’asile et en saisit les paradoxe de ses rouages. Ni la misère ni la "nature vengeresse" ne sont des raisons valables pour permettre l'asile politique.

J'ai frissonné en refermant ce livre, poignant de vérité. Ce roman n'est pas sans rappeler Celles qui attendent de Fatou Diome où les personnages étaient plus nuancés. L'écriture de Sinha est poétique et imagée, elle offre un regard cynique sur l'expérience migratoire, la misère des prétendants à l'asile.