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Laurence G.

Libraire passionnée à Epinal depuis 2013.

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15 juin 2020

Albanie: bienvenue au royaume des désillusions...

Danü Danquigny , auteur canadien d’origine albanaise, nous fait découvrir dans un roman noir, court et percutant l’Albanie entre la fin des années 70 et 2017.
Le narrateur revient dans son pays après s’être enfui en France 25 ans auparavant et n’a qu’une idée en tête : venger sa femme assassinée juste avant son exil.
Louvoyant entre les différentes époques de sa vie tout au long du roman constitué de courts chapitres, Arben, né en 1968, se souvient de sa jeunesse, de ses parents, de ses amitiés et de son mariage arrangé par son père comme le voulait encore la tradition dans les années 90. C’est là une déclaration de haine et d’amour à son pays qui a vécu sous la dictature de Enver Hoxha pendant 40 ans, 40 années de peur liée à la délation, à l’emprisonnement, à la privation de libertés mais suivies par l’ouverture au capitalisme sauvage et la naissance de groupes mafieux de plus en plus puissants acoquinés aux nouveaux dirigeants politiques.
Les réponses d’Arben aux questions qui le taraudent depuis si longtemps vont bien surgir à la fin de son histoire mais pas tout à fait comme il l’espérait…
Un excellent roman à l’écriture incisive et efficace qui nous fait découvrir un pays très proche de nous mais si peu connu.

Conseillé par (Libraire)
25 mai 2020

A la recherche de Abram Tertz au pays des Soviets

« Les services compétents » est un terme généraliste renvoyant à un bureau quelconque qui peut vous être utile (ou pas) lorsqu’il s’agit de démêler quelque imbroglio administratif. Et c’est sous ce titre que le KGB est désigné dans le dernier roman de Ian Gran. Ses missions sont clairement édictées à la page 90: « Le KGB est un organe politique réalisant les décisions du Comité central du Parti relatives à la sécurité de l’État socialiste confronté aux attaques de ses ennemis extérieurs et intérieurs. Cet organe se doit de surveiller attentivement les tentatives secrètes des ennemis du pays des Soviets, de mettre à jour leurs projets et de mettre un terme aux agissements crapuleux des agences de renseignement impérialistes. Il en découle une attitude saine de défiance envers tout le monde » ajoute l’auteur.
Il nous entraîne donc dans les couloirs tout autant que dans le savoir-faire du KGB, lancé en 1956 sur la piste d’un auteur qui publie en France sous le nom d’Abram Tertz des textes critiques envers le « réalisme socialiste ».
La tâche est rude car le fautif est malin mais il en va de la crédibilité des services que de trouver ce traître à l’idéal socialiste. Le lieutenant Ivanov met du coeur à l’ouvrage car, il l’avoue lui-même, « il aime son métier » et il le fait à fond. Il gère une trentaine d’indics et ne perd pas de vue le dossier "Abram Tertz" même si en cours de route, il va soulever d’autres lièvres ; des dégâts collatéraux, il y en aura un certain nombre.
Iegor Gran - le petit "Iegorouchka" de la page 9 - n’est qu’un bambin quand la traque de son propre père débute; il relate cette chasse à l’homme implacable avec humour et un sens de la dérision total. L’arrestation de Andreï Siniavski, son vrai nom, finit par avoir lieu en 1965, après 6 longues années d’enquêtes, d’errements et d’impasses de la part du KGB ; cette arrestation ne fait pas flancher l’auteur qui plaide non-coupable lors du procès. Le monde intellectuel court à sa rescousse avec force pétitions, articles et courriers. Une manifestation est même organisée en plein Moscou par un groupe d’étudiants, ce qui défraie évidemment la chronique. Cela n’empêchera pas le tribunal de condamner Siniavski à une peine de 7 ans de détention dans un camp de travail.
Ne se contentant pas de nous révéler la traque organisée par le lieutenant Ivanov, l’auteur nous fait pénétrer également dans le foyer de ce fonctionnaire dévoué et respectueux de l’idéal soviétique jusqu’au bout des ongles. Cette description de l’URSS des années Khrouchtchev-Brejnev donne lieu à des scènes savoureuses telle celle se déroulant lors de l’exposition américaine en 1959 à Moscou. Mais elle fait aussi froid dans le dos quand les opposants au régime sont découverts et que les sanctions tombent.
Mêlant l’histoire de ses parents à celle de l’URSS, Iegor Gran réussit à garder la distance qui permet un compte-rendu drôlatique et plein d’anecdotes de ces années russes.

Conseillé par (Libraire)
4 mai 2020

Très belle adaptation du roman de J . Kelly paru à l'Ecole des Loisirs

Les deux albums racontent le quotidien d'une fillette de 11 ans en 1899. Elle est passionnée par le monde de la nature et découvre les insectes et les plantes grâce à son grand-père. Mais sa mère ne comprend pas les aspirations de sa fille et s'évertue à lui faire réussir les tartes aux pommes et la broderie. Le scénario souligne combien il est difficile à cette époque pour les filles d'aller étudier plutôt que de se marier et combien les codes qui régissent la bonne société américaine sont archaïques et hostiles à toute velléité d'émancipation féminine . L'illustration tout en rondeur et aux couleurs douces accompagne parfaitement les dialogues. L'auteure s'est inspirée du roman homonyme de Jacqueline Kelly . A découvrir des 11 ans.

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27 avril 2020

De la survie en milieu hostile: un roman magnifique et poétique!

Bérengère Cournut nous transporte au pays des Inuits avec son nouveau roman, « De pierre et d’os ». Nous allons suivre la destinée d’une jeune fille, Uqsuralik, séparée un beau matin du reste de sa famille à cause de la banquise qui va se briser net brutalement. Elle va se retrouver seule avec l’un de leurs chiens sur un bloc à la dérive. Tout va tourner alors autour de la survie quotidienne dans une nature splendide mais difficile à affronter seule et à mains nues.
Uqsuralik va survivre grâce à son esprit futé et à sa connaissance du milieu naturel dans lequel elle évolue depuis sa naissance. Elle va aussi avoir de la chance. L’auteure nous conte la façon dont elle va traverser les années, avec qui elle va se retrouver au hasard de ses pérégrinations sur la banquise et les lois qui régissent les clans.
Avec une langue dépouillée de tout artifice mais pleine de poésie, Bérengère Cournut nous permet la découverte d’un personnage féminin magnifique, empli de son amour pour la nature et pour les éléments qui la composent, végétaux, animaux, esprits divers… Le chamanisme fait partie intégrante de la culture Inuit et joue un grand rôle dans la vie de ce peuple qui croit à la réincarnation. Un gros coup de coeur et une très belle manière de s’évader...

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23 avril 2020

Un roman allemand sur les années 60 et sur la mémoire collective

Si la littérature de la Shoah nous a fait découvrir depuis 70 ans l’horreur des camps d’extermination, les années 60 en Allemagne ont été beaucoup moins abordées.
Annette Hess situe son roman en 1963, pendant le second procès d’Auschwitz où furent jugés 22 officiers SS et kapos. Eva Bruhns, jeune interprète, va être sollicitée pour traduire les témoignages des rescapés polonais pendant le procès qui va durer un an et demi et qui se tiendra à Francfort.
Les hésitations d’Eva pour accepter ce travail vont être confortées par la réticence de ses parents à parler du passé et par celle de son fiancé, Jürgen. Eva désire cependant acquérir une autonomie financière pour s’émanciper du foyer familial, ce malgré le souhait de Jürgen d’avoir une épouse femme au foyer.
S’intéressant de plus en plus au procès, elle lit les journaux qui relatent sa mise en place et présentent les accusés ; cet intérêt d’Eva pour le procès rend sa mère furieuse. Certaines scènes de rue auxquelles elle ne prêtait pas attention jusque-là vont lui ouvrir les yeux sur l’antisémitisme toujours vivace. Elle finit par accepter de travailler dans le cadre du procès et va commencer alors une lente découverte de ce qui s’est passé 20 ans auparavant dans son pays et au sein de sa famille.
Alternant les points de vue grâce aux différents personnages de la famille d’Eva, l’auteure nous plonge dans la vie quotidienne d’une famille allemande des années 60. Elle entremêle ces passages à ceux présentant les membres du Ministère de la Justice qui doivent mener le procès et à leur recherche des témoins ou des coupables. Annette Hess tisse peu à peu des liens entre ces deux univers et remonte dans le passé en questionnant la culpabilité, la mémoire et les non-dits. Il semble évident que les Allemands ayant connu le nazisme aspirent alors à vouloir oublier cette période, quitte à renoncer à toute volonté de justice.
Eva durant le procès va s’émanciper, mûrir et surtout appréhender enfin cette partie de l’histoire de son pays, occultée par le plus grand nombre jusque-là dans une volonté d’oublier l’innommable. Un roman très fort et une excellente traduction de Stéphanie Lux.