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Eric R.

Conseillé par (Libraire)
17 septembre 2021

LUMINEUX

Il y a de multiples façons d’appréhender la montagne. Il y a par exemple celle du dessinateur de BD Jean Philippe Rochette (Ailefroide, Le Loup), né sur place et qui entrevoit dès l’enfance la montagne comme un lieu de jeu, de conquête. Il y a celle du romancier italien Paolo Cognetti (La félicité du loup, Huit montagnes) pour qui les sommets sont un lieu d’existence, de source de vie, de contemplation. Et puis il y’a celle de Alice Chemama, urbaine, citadine, qui découvre tardivement la montagne, sans vraiment le vouloir, à l’occasion d’une sélection pour résidence d’artiste. Entre deux choix ensoleillés, le sort tombe sur la Haute Savoie, la vallée de l’Arve plus précisément. Dès lors elle va chercher à s’imprégner d’un univers entrevu seulement lors de malheureux cours de ski.

La naïveté qui préside ces découvertes est parfaitement traduite par un dessin proche des illustrations pour enfants. Petite, petite, les yeux écarquillés à la manière des autoportraits de Catherine Meurisse, elle va se confronter à la grandeur de la force de la nature. Avant d’enfiler les chaussures de randonnée, de prendre le piolet et la corde de rappel, entre deux confinements, elle plonge dans son lieu de destination à travers les contes et légendes du pays, son économie et sa tradition horlogère et de décolletage, ses histoires de sauvetage raté et d’avions écrasés contre les parois rocheuses. Par petites séquences parfaitement documentées et racontées, on approche avec elle de l’âme d’une région paradoxale où l’air pur des sommets côtoie la pollution extrême de la vallée.
Le récit alterne ainsi entre histoire collective et histoire individuelle. Entre le passé de la région et le présent de l’autrice. On est ému lors de l’évocation du crash du Malabar Princess le 3 novembre 1950 mais on est amusé lorsque Alice se confronte à l’escalade d’une cascade de glace. Comme un enfant raconte à ses parents ses premières aventures, elle prend à témoin le lecteur de son inexpérience mais aussi de ses émerveillements.

La montagne « çà vous gagne » certes mais çà se gagne aussi et peu à peu l’autrice à défaut de la vaincre va mieux la comprendre pour l’apprivoiser. A son talent d’exploratrice va s’adjoindre alors un talent indéniable d’illustratrice. Pinceaux d’aquarelle à la main, couleurs directes, le dessin de la nature devient véritablement époustouflant de beauté, de sensibilité. Tempête de neige, coucher de soleil sur les cimes, arête vertigineuse, Alice Chemama magnifie son environnement. Comme le lecteur, les planches perdent leur voix, se taisent pour laisser la parole silencieuse à la montagne.

Conseillé par (Libraire)
7 septembre 2021

Que la montagne est belle !

C’est une histoire simple mais pas une simple histoire. C’est une histoire de 4 saisons dans un village alpin: Fontana Fredda. Il y’est question d’amour: Fausto, écrivain qui a quitté sa femme et la ville, rencontre Silvia, artiste peintre. Il y’est question d’amitié: Fausto fait la connaissance du taciturne Santorso, homme mûr passionné des coqs des neiges. Au milieu règne Babette, la patronne du restaurant de montagne à la recherche d’une nouvelle vie. C’est une histoire d’hommes et de femmes à des tournants de leurs existences, quêtant dans les sommets, l’isolement, la beauté de la nature, la direction à donner à leurs vies.

En réalité, c’est une chronique d’un monde d’à côté, celui de la montagne et où le rythme du temps est donné par celui des mélèzes qui respirent au gré du jour et de la nuit. La vie à Montana Fredda est minimaliste et se réduit aux gestes quotidiens de la cuisine, de la vaisselle, du damage des pistes, de l’abattage des arbres. Le style de Paolo Cognetti se colle à cette réalité en évitant les emphases ou les métaphores gratuites. Ces mots à leur tour sont simples, précis, directs et tendent par l’écoulement du temps qu’ils traduisent à la poésie pure.

Conseillé par Eric et Vanessa

Conseillé par (Libraire)
6 septembre 2021

Magnifique et touchant

C’est une histoire qui est désormais racontée, mieux connue. Celle de migrants juifs de l’Europe de l’Est fuyant la Russie notamment à la suite des pogroms du début du XX ème siècle. C’est ce que raconte le début de « La carte postale »: l’histoire d’une famille russe. Dans ce récit, les personnages ont un nom: ils s‘appellent Ephraïm, Emma, Noémie et Jacques. Ces prénoms figurent laconiquement sur une carte postale adressée anonymement des décennies plus tard à l’adresse de la mère de l’autrice. Quatre noms comme une déflagration qui vont ressusciter des souvenirs.Tous les quatre, membres de la famille Rabinovitch, vont être déportés et assassinés dans les camps d’extermination. La première partie du livre raconte leur histoire, la migration d’une famille à qui le père dès avril 1919 prévient: « il est temps de partir. Nous devons tous quitter le pays. Le plus vite possible ». C’est ce que vont faire notamment Ephraïm et Emma qui vont traverser l’Europe, vivre en Lettonie, rejoindre leurs parents en Palestine et se retrouver finalement à Paris, en France, ce pays des Lumières dont ils attendent tout, auquel ils souhaitent s’assimiler à tout prix. On pense au parcours de la grand mère de Robert Badinter: Idiss. L’Amérique reste lointaine, et puis les mesures discriminatoires à l’égard des juifs, les rafles, les camps de travail tout cela semble tellement impossible. On ne croit pas à ce qui n’est jamais arrivé auparavant. La foi dans leur nouvelle patrie sera fatale à la petite famille d’où réchappera la fille ainée Myriam, mère de Leila et grand-mère de l’autrice Anne Berest. C’est dans un dialogue tout en douceur et connivence que s’écrit cette première partie du livre. Glaçant est le contraste entre la barbarie inimaginable et la foi en la raison et en l’humanité d’une famille pourtant pourchassée des années durant. Anne Berest nous raconte avec justesse les conditions d’internement du camp de Pithiviers, l’accueil des survivants au Lutetia à la fin de la guerre, l’attitude ignominieuse de certains membres de l’administration française, la rafle du Vel d’Hiv.

La suite du « roman » va amener l’écrivaine à rechercher l’auteur anonyme de la carte. S’il s’agit bien d’une enquête, la fiction n’est pas au rendez-vous et cette quête va amener à côtoyer l’ignominie et le mal dont est capable l’âme humaine. Cette fois, Anne cherche, se déplace, se rend dans l’Eure voir les derniers voisins de la famille Rabinovitch, va en Provence lieu de la résidence de Myriam, consulte un détective privé, un graphologue. Avec sa mère, et sa soeur Claire, elles forment une lignée familiale essentiellement féminine cherchant à comprendre leur présent à la lumière du passé. Une question surgit alors comme un fil rouge: qu’est ce qu’être juif aujourd’hui en France pour une famille qui n’a jamais pratiqué aucun rite, culte et se définit pour la plupart de ses membres comme athée? C’est bien de cette question que surgissent en réponse les quatre prénoms recherchés et la réflexion d’aujourd’hui de la fille de Anne, de retour à la maison avec une « drôle de tête », parce que « on n’aime pas trop les Juifs à l’école ».

Etre défini par un concept indéfini. Juive, parce que sa mère est juive, Anne Berest ne lance pas un cri de douleur, ne juge pas les contemporains de ses arrière-grands-parents. Elle témoigne, d’abord pour elle même, voulant rétablir une généalogie trop longtemps tue, désirant savoir ce qu’elle est véritablement et affirmant en conclusion que l’on est ce que nos ascendants ont été, même si on ignore tout ou presque tout de leur histoire. En fait, on ne doit jamais oublier ses morts car ceux-ci ne meurent vraiment que lorsque les vivants les oublient. Et l’autrice leur rend magnifiquement la vie.

Eric

Conseillé par (Libraire)
26 août 2021

Fascinant et touchant

Journaliste Sorj Chalandon a besoin du réel pour construire un roman. Reporter au procès de Klaus Barbie à Lyon en 1987, il sait que son père est dans la salle d’audience. Plus de trente ans plus tard, après le premier confinement, il découvre la procédure judiciaire émise à son encontre à la fin de la guerre. Il a la confirmation que son père était « du mauvais côté ». Alors le journaliste devenu romancier met en parallèle le destin du nazi et d’un français qui revêtira pendant la guerre 5 uniformes et évitera la peine de mort à une voix près. Il mêle la petite et la grande Histoire dans un parallèle fascinant. Mensonges, traitrise, on retrouve le style et l’humanité des meilleurs romans de Chalandon. Les pages du procès sont magnifiques de pudeur et de force. Les pages sur le père sont féroces et violentes. Le tout constitue un des grands romans de cette rentrée littéraire.

Conseillé par Eric et Vanessa

9,40
Conseillé par (Libraire)
23 août 2021

Quatre magnifiques portraits

Plus qu’une nouvelle biographie de Colette, il s’agit là de magnifiques portraits de quatre femmes amies qui se retrouvent au début de la première guerre mondiale sans les hommes qu’elles chérissent et décident de continuer à vivre pleinement leur liberté. L’autrice du « Blé en herbe » confidente, mère, guide, assure le lien et active un féminisme dont elle rejette le mot. Dominique Bona démontre une nouvelle fois sa capacité à faire revivre des femmes d’exception dans une époque magnifiquement décrite. Un bonheur de lecture et l’envie de se (re)plonger dans l’oeuvre de Colette.

Eric