Droits de l'homme, droit naturel et histoire

La « mort des idéologies », illustrée de manière spectaculaire dans l'histoire
de l'Europe de cette fin de XXe siècle par la déroute du communisme, loin de
marquer la "fin de l'histoire", ainsi que l'ont cru certains esprits d'Outre-
Atlantique, a mis - tout au contraire - à découvert certaines des dynamiques
spirituelles les plus profondes de l'évolution historique. La religion des
Droits de l'Homme et le culte de l'identité nationale en paraissent être les
deux formes d'expression les plus représentatives - les plus marquantes aussi
de ces dernières années. Dans leur radicalité même, dès lors qu'elles
postulent, l'une, l'existence de droits naturels communs à tous les individus
de l'espèce humaine, l'autre, celle de droits historiques propres à des
communautés nationales déterminées, elles plongent leurs racines dans les deux
Écoles de pensée juridique majeures de l'histoire moderne : l'École du droit
naturel et l'École du droit historique. C'est de ces deux Écoles qu'il s'agit
dans ce livre. Le texte, savant mais accessible, met en évidence le projet
spécifique de chacune d'entre elles. Il rend ainsi compte, dans une première
partie, du grand dessein de l'École du droit naturel moderne de constituer le
droit en système par le recours à la méthode des sciences physiques et
mathématiques, qui privilégiera le modèle mécaniciste, et entraînera la
primauté de la loi et de l'individu dans l'ordre juridique et politique. Il
fait ensuite ressortir, dans une deuxième partie, l'objectif majeur de l'École
du droit historique de remettre en cause la conception rationaliste et
législativiste du droit des grandes codifications issue de l'École du droit
naturel moderne, par le rappel de l'enracinement historique, et du
développement organique du droit à partir de l'esprit de chaque peuple
(Volksgeist), qui privilégiera le modèle organiciste, et favorisera la
revalorisation de la coutume et de la conscience nationale dans la pensée
juridique et politique, jusqu'au cœur du XXe siècle. L'ampleur du champ
d'investigation exploré fera, sans doute, de ce livre un instrument de
clarification dans le débat, qui met actuellement aux prises ceux qui se font
les apôtres des droits de l'Homme, parfois jusqu'à l'inconséquence, et ceux
qui se posent en gardiens de l'identité nationale, souvent jusqu'à
l'intolérance.