🤝 Pendant deux ans, Rozenn Le Berre a proposé un atelier d'écriture dans un foyer pour adolescents dans le Nord-Pas-de-Calais. Mais ce n'est pas l'écriture, qu'elle a voulu raconter. C'est le quotidien aux côtés de ces grands enfants, jeunes adultes, comment les appeler ? Ils ont déjà tellement encaissé qu'ils sont allés jusqu'à commettre des actes terribles. Le placement en foyer est pour eux une alternative à la prison.
🤝 Rozenn Le Berre rend hommage au travail éreintant des éducatrices et éducateurs qui, jour après jour, avec une patience extraordinaire, sans découragement apparent, s'attachent à encadrer ces jeunes pour leur redonner des repères. Dans cette lente et laborieuse entreprise pour leur réapprendre la confiance – en la société, en leurs proches, en eux-mêmes –, le projet d'aller randonner une semaine dans la Vanoise devient un objectif formateur et ambitieux, un moteur.
🤝 Pour nous permettre de mesurer l'ampleur du chemin à parcourir, tant dans la vie que sur les sentiers de montagne, l'autrice prend le temps de raconter le quotidien au foyer, avec ses tensions, ses mots crus, ses blessures parfois physiques, ses douleurs souvent morales, ses joies d'autant plus intenses qu'elles restent fragiles et éphémères. Quelques visites aux familles et audiences au tribunal sont aussi évoquées, sans que jamais ne soient dévoilées les raisons du placement de ces jeunes – pour éviter l'impasse d'un énième jugement de notre part, pour nous inviter à ne pas les réduire à "ce qu'ils ont fait", pour leur redonner pleinement l'humanité que beaucoup, encore, leur refusent. Le contraste avec les paysages alpins, les gîtes d'étape et l'effort des ascensions à la seule force du mollet (et du mental) n'en est que plus saisissant.
🤝 Ces jeunes sont "sur la crête" comme ils seraient sur la corde raide, toujours à deux doigts de basculer dans un ravin comme ils le feraient dans l'insulte et la violence. On referme le livre en les aimant profondément et en leur souhaitant, de tout cœur, bonne chance pour la suite.

🐥 Arthur en Islande, Lucie en Égypte, Kaï en Chine et Léo en Grèce, nous suivons dans ce cinquième volume les aventures de Louna au Mexique. Le point commun de ces personnages ? Ils sont tous membres de la famille Vieillepierre, aventuriers de génération en génération ! Leur mission ? "Retrouver et protéger les vestiges des créatures mythologiques du monde entier".
🐥 Cette fois, Louna s'avère une héroïne ambivalente. Depuis que ses valeureux et généreux parents ont été piégés dans une embuscade, elle a décidé de ne plus penser qu'à elle-même. Fini l'altruisme ! Et c'est dans cet état d'esprit qu'elle va accompagner Atzi, petite Aztèque partie implorer Tlaloc de rendre la pluie à son peuple. Tlaloc, terrible dieu assis sur un monceau d'or : voilà qui éveille la convoitise de Louna Vieillepierre...
🐥 Avec le dessin vif aux couleurs chatoyantes qu'on lui connaît, Joe Todd-Stanton nous entraîne à la suite de ces deux jeunes filles dans l'univers de la mythologie aztèque aux noms formidablement imprononçables. Tantôt mis en page comme un album, tantôt flirtant avec un découpage BD, tantôt clin d’œil aux parcours semés d'embûches des jeux vidéos, ce livre regorge de surprises et de découvertes. Un régal, avec une fin toute en gaîté et en émotion !

🚢 Célèbre pour les quelque 75 polars mettant en scène l'inspecteur Maigret, Georges Simenon est également l'auteur de "romans durs". C'est lui qui les surnommait ainsi, car il les trouvait plus difficiles à écrire. L'un d'eux, "Le Passager du Polarlys", paru en 1932, vient d'être superbement adapté en roman graphique, sous le crayon de Christian Cailleaux qui maîtrise à merveille l'art de l'estompe, idéal pour créer les ambiances si particulières des brumes maritimes.
🚢 Les Années folles battent leur plein, notamment à Paris, où démarre l'intrigue. Une intrigue qui prend bien vite le large, après avoir laissé une victime mystérieuse, dont le meurtrier aurait embarqué à bord du Polarlys. Voilà qui ne fait pas les affaires du capitaine Petersen ! La navigation entre Hambourg et le nord de la Norvège n'aurait dû être perturbée que par les aléas météorologiques – pas par un passager clandestin suspecté de meurtre !
🚢 En reprenant avec justesse la langue précise du romancier belge, cette BD séduit en outre par ses ambiances de mer, entre huis clos de la vie à bord (mention spéciale pour les portraits !) et paysages de plus en plus brumeux et glacés. Et cerise sur l'iceberg : la passionnante postface du scénariste, José-Louis Bocquet, resitue le roman de Simenon dans son époque, et raconte dans quelles circonstances ce dernier a découvert la mer de Norvège à la barre de son propre cotre (baptisé L'Ostrogoth), puis à bord du Polarlys, qui a donc réellement existé.

🐣 On craque, on fond, pour ce mini format ! Un tout-carton en bleu et blanc pour anticiper et/ou rejouer les multiples plaisirs de la plage : maillot, chapeau, bruits d'eau... Rien n'est oublié ! Et le texte a beau être bref, il est vivant, joyeux et suffisamment malin pour apporter à chaque fois un p'tit plus à l'image. Une image en contours et ombres tranchées, qui va toujours à l'essentiel : on reconnaît bien là la patte de Martine Perrin ! Voilà une jolie idée de lecture à glisser entre la pelle et le seau, dans le grand cabas qui va reprendre du service pour les longues semaines d'été...

🪶 D'emblée, Kent Nerburn nous donne le ton, un ton direct, sans ambages : une inconnue lui téléphone pour lui demander de venir discuter avec son grand-père. Il faut dire que Nerburn s'est distingué par plusieurs publications sur la culture amérindienne – et Dan, le grand-père en question, est lakota. À 78 ans, il veut que tout soit écrit. Tout ? "Ce que j'ai dans ma tête", explique-t-il sans s'épancher. Nerburn accepte de faire le long trajet jusqu'à la réserve où vit Dan. D'abord, il essaie de mettre en forme les notes éparses que le vieil homme a lui-même rédigées au fil des ans et rassemblées dans une boîte à chaussures. Mais le résultat est jugé "trop blanc" par Dan, qui se renfrogne, se renferme, laissant Nerburn désemparé.
🪶 Jusqu'au jour où, sans préméditation apparente, profitant peut-être de la panne du pick-up de Nerburn, Dan l'embarque pour un road-trip dans le Midwest, avec son ami Grover au volant d'une énorme Buick. Il ne s'agit pas là d'un voyage d'agrément. Nerburn n'a d'ailleurs pas la moindre idée du parcours ni même de l'objectif de l'escapade. Dans l'habitacle, le silence est souvent de mise, sauf quand Dan déclare qu'il va parler. Ses discours sont alors d'une puissance hors du commun. Génocide des Amérindiens, récupération de leur spiritualité par les Blancs, questionnement sur le sens de l'Histoire, confidences personnelles... Dan s'exprime sans détour, sans jamais chercher à ménager son interlocuteur. Et, au fil des vastes paysages et des rencontres qui ponctuent cette odyssée, toute l'histoire des Amériques se retrouve questionnée, balayée par le souffle de cette réflexion hors du commun. Un livre extraordinairement percutant, d'une remarquable fluidité, qu'il faut lire, absolument, pour (tenter de) comprendre les États-Unis d'hier et d'aujourd'hui.