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Potosí

Ander Izagirre

Barometre Edit

  • Conseillé par
    27 octobre 2022

    La ville de Potosí en Bolivie est connue pour ses mines d'argent et d'étain. Le Cerro Rico -littéralement le Mont Riche- est la montagne qui surplombe la ville. C'est lui qui renferme les précieux métaux. Depuis des siècles, il est exploité ainsi que les mineurs qui y travaillent par des compagnies privées qui font des profits. Et pour les femmes et filles de mineurs, c'est encore pire, lorsque l'espérance de vie culmine à 40 ans pour les hommes et 45 pour les femmes. Elles sont souvent veuves ou orphelines, subissent les violences des hommes et doivent vivre quasiment sans argent, très en deçà du minimum, pauvrissimes.

    Ander Izagirre s'est rendu à Potosí pour enquêter sur les conditions de vie de ceux qui vivent là-bas. Il y croise notamment Alicia, 12 ans, qui travaille dans la mine, une jeune fille qui va le marquer, qui va nous marquer.

    Baromètre, une jeune maison d'édition associative édite ce livre d'Anger Izagirre paru en espagnol en 2015. L'auteur est journaliste, randonneur et auteur d'ouvrages alimentés par ses voyages. Son essai est dérangeant, parce que si comme moi, vous lisez tranquillement et confortablement installés dans un canapé ou un fauteuil, lire la pauvreté des habitants de Potosí et l'extrême pauvreté des femmes seules qui vivent autour de la mine est un un poil culpabilisant. Certes, je sais bien qu'on n'y peut pas grand-chose et qu'encore une fois les compagnies font du profit sur le dos des plus pauvres, les asservissant de plus en plus et n'ayons pas peur des mots, les esclavagisant. Comment résister à "Alicia fait un travail qui n'existe pas, un travail pour lequel on la payait vingt pesos par jour - ou mieux, vingt pesos par nuit- un peu plus de deux euros. Maintenant, elle n'est plus payée, mais travaille gratuitement pour solder une dette que les mineurs de la coopérative attribuent à sa mère -une combine pour en faire des esclaves." (p.19/20)

    Et l'auteur de tracer le portrait d'Alicia et de quelques autres qui travaillent au Cerro Rico, car il leur est impossible de partir. Il remonte également le temps et l'Histoire pour raconter le pays au temps de Huayna Capac, onzième roi de Cuzco, troisième empereur de Tahuantinsuo dont la richesse en or et argent était gigantesque, puis au temps des conquistadors espagnols qui voulaient des richesses, des métaux rares et précieux et qui ont exploité les habitants. Et l'église au comportement ambivalent : "La coca, condamnée en 1551 par le Premier Concile ecclésiastique de Lima à cause de ses propriétés diaboliques, pour être considérée comme un obstacle à la chrétienté, fut à nouveau autorisée quand on constata que, grâce à ses effets stimulants, les mitayos [indigènes exploités selon un système mis en place par les espagnols] pouvaient tenir deux jours de suite au travail sans manger." (p.33)

    Mais celle qui restera en tête et qui incarnera pour l'auteur le Cerro Rico, c'est Alicia qu'il reverra dix ans plus tard, abîmée mais toujours en vie avec l'espoir de quitter Potosí.